La reconstruction de l’oreille

La reconstruction de l’oreille est une discipline un peu à part en chirurgie réparatrice, très confidentielle et particulièrement délicate. Dans le monde, nous ne sommes qu’une cinquantaine à la pratiquer régulièrement. Nous nous regroupons régulièrement pour comparer nos techniques et discuter des innovations, lors du congrès de l’International Society of Auricular Reconstruction.

Il existe schématiquement trois méthodes pour reconstruire une oreille: 1/ en sculptant une nouvelle oreille à partir de cartilage prélevé au niveau des côtes du patient (méthode du cartilage costal), 2/ en utilisant un implant synthétique de polyéthylène poreux (Medpor(R), Omnipore(R)), et finalement 3/ une fausse oreille en silicone fixée à des implants ostéo-intégrés, comme pour des prothèses dentaires.

Chaque technique a ses avantages et ses inconvénients, et je les pratique toutes les trois. En fonction de chaque problème, qu’il s’agisse d’une microtie chez un enfant qui n’a jamais été opéré, un adulte multi-opéré, un traumatisme (brûlure, morsure de l’oreille), je vous proposerais la méthode qui me semblera le plus adaptée à votre cas.

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Livre encyclopédique sur la reconstruction d’oreille par le Dr Marchac

Premier livre encyclopédique sur la reconstruction d’oreille

Ma formation avec Françoise Firmin

J’ai découvert cette spécialité un peu par hasard. J’avais quelques mois de libre avant de prendre un poste à la New York University et un collègue m’a conseillé d’aller voir opérer Françoise Firmin à la Clinique Bizet, à Paris. Là, dans le calme du bloc opératoire, j’ai eu une véritable révélation chirurgicale. Avec une dextérité de virtuose, un talent de sculpteur accompli et une personnalité aussi drôle que généreuse, Françoise Firmin construisait sous mes yeux une nouvelle oreille à partir de trois morceaux de côtes. L’assistant chinois attendu pour les 6 mois suivants n’ayant pas obtenu son visa, elle m’a proposé le poste. Des chirurgiens du monde entier venaient la voir opérer, et son bloc, où elle pratiquait à l’époque quelque 250 reconstructions par an, était surnommé la « little ear factory ».

A mon retour des Etats-Unis, tout en occupant un poste passionnant en microchirurgie et transplantation de la face auprès du Professeur Laurent Lantieri, j’ai continué à travailler avec elle. En près de 10 ans de collaboration, nous avons communiqué dans des congrès, écrit de nombreux articles scientifiques, effectué plusieurs missions humanitaires pour reconstruire des oreilles et publié en 2016 le premier livre encyclopédique sur la reconstruction d’oreille, tirant les enseignements des 2500 oreilles reconstruites au cours de son incroyable carrière. Elle est devenue mon maître, mon mentor, et je lui suis infiniment reconnaissant pour tout le savoir qu’elle m’a transmis.

Dans le monde, nous sommes environ une cinquantaine de chirurgiens spécialisés dans la reconstruction des oreilles. Nous nous réunissons régulièrement, lors du congrès de l’ISAR (International Society for Auricular Reconstruction), dont j’ai l’honneur d’être membre fondateur. J’ai organisé le premier congrès de l’ISAR avec Françoise Firmin à l’hôpital européen Georges-Pompidou et le dernier s’est tenu en septembre 2017 à Pékin (www.isar.cc).

Une collaboration avec les ORL

Les enfants atteints de microtie souffrent souvent également d’une atrésie de l’oreille moyenne (le conduit auditif et les osselets sont absents ou malformés) qui entraîne une surdité. Nous reconstruisons la forme de l’oreille, le pavillon, et mes collègues ORL s’occupent de la surdité en mettant en place un implant qui transmet les sons à travers l’os, comment la BAHA (bone anchored hearing aid), le Bone Bridge ou le Sound Bridge.

Comment choisir entre cartilage costal et implant de Medpor pour une microtie?

Le pavillon de l’oreille peut être reconstruit selon trois méthodes.

  • Avec du cartilage costal, en prélevant trois fragments des dernières côtes, par une petite incision de 4 cm située sous le sein. Il faut attendre l’âge de 8-9 ans pour que le cartilage costal soit assez épais, et il faut prévoir deux interventions espacées de 6 mois pour reconstruire d’abord l’avant de l’oreille, puis l’arrière, le sillion rétro-auriculaire. C’est la méthode de référence, le gold-standard, que je pratique régulièrement depuis ma formation avec Françoise Firmin en 2008.
  • Avec un implant de Medpor(r) (polyéthylène poreux). Cette méthode a été développée par un chirurgien américain, le Dr John Reinisch, qui a eu l’idée de fabriquer une oreille avec deux morceaux de polyethylèyne poreux. Cette méthode permet d’opérer les enfants ayant une microtie à partir de 4 ans, et en une seule opération, sans douleur. J’ai été apprendre cette technique à Los Angeles avec le Dr Reinisch et je suis convaincu de son intérêt chez les enfants ayant une microtie mais aussi chez les adultes ayant déjà eu une reconstruction avec du cartilage costal et dont le résultat n’est pas satisfaisant.
  • Avec une prothèse en silicone, que l’on fixé à des implants vissés dans l’os, comme un implant dentaire. Ces prothèses sont très belles et identiques à l’autre oreille. Cependant elles doivent être enlevées la nuit et changées tous les 2-3 ans en raison de l’usure du silicone. Elles sont réservées aux cas rares où une reconstruction par cartilage ou par Medpor est impossible.

Il est également possible dans certains cas de combiner la reconstruction du pavillon de l’oreille et l’audition. On peut implanter une BAHA ou recréer un canal auditif dans certains cas, en fonction des résultats du scanner de l’oreille.

L’avenir de la reconstruction de l’oreille

L’ingénierie tissulaire et l’impression 3D avancent à grand pas. Dans un avenir proche, on arrivera très certainement à synthétiser une maquette en 3D avec des cellules souches, un vrai tissu vivant qui sera capable de se défendre contre les infections, à la différence du Medpor, et qui évitera d’utiliser du cartilage costal. Mais les essais cliniques ne sont pas encore satisfaisants. Sous l’effet des forces mises en œuvre lors de la cicatrisation tissulaire, la maquette de synthèse se déforme et la nouvelle oreille, initialement jolie, se ratatine. Méfiez-vous des titres annonçant qu’une « nouvelle oreille a été créée grâce à l’impression 3D ». Cela n’a rien de nouveau : le chercheur américain Charles Vacanti a conçu ses premiers modèles à la fin des années 1990 ; une imprimante 3D sait parfaitement produire une oreille, et la mettre sous la peau n’a rien de difficile techniquement. En revanche, le maintien de sa forme à long terme ainsi que sa bio-intégration ne sont pas encore acquis. Ces nouvelles qui font la une de la presse sont publiées sans recul sur l’évolution, la sécurité et la pérennité de ces procédures. Joseph McCarthy, mon chef à la New York University, réagissait à ce type d’annonce par un « don’t be anecdotal on me », que l’on peut traduire par : « on ne fait pas de science avec des anecdotes ».

J’attends avec impatience le jour où il sera possible d’implanter in vivo une maquette biocompatible de synthèse. Mais, à l’heure actuelle, la meilleure technique pour reconstruire une oreille est la sculpture du cartilage costal.

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